Voix in/off
"Ce que tu es parle si fort que je n'entends pas ce que tu dis" (Sénèque)
Ce à quoi l'Autre lui fait ressembler, ce en quoi l'Autre l'a incarnée : ceci parle si fort qu'on n'entend pas ce qu'Elle dit. Car le volume de l'Autre est insoutenable, voire même en ultrasons : de qui pourrait-Elle être écoutée et entendue ?
Un corps criant de maigreur, de pâleur, de négations, de révolte, de faiblesses et de lassitude : on ne l'entend plus parce qu'il s'est confondu.
On l'a pourtant, paraît-il, dotée de la parole, mais Elle n'a pas encore véritablement appris à parler. Comme une enfant, Elle bégaie, Elle émet sûrement des sons mais auxquels personne ne comprend rien. Des syllabes, en assonances ou allitérations, des consonnes gutturales qui viennent par trop du fond des tripes. Une trentenaire limite autistique : Elle s'emmure dans des silences et l'Autre fait son enveloppe parler.
Elle a alors décidé d'écrire, le premier pas vers l'expulsion de ses vérités si fortes qu'Elle n'a fait que confiner. Elle noircit des pages, autant de jets de dégueulis et de diarrhées de prose qu'une gastro de l'âme peut engendrer. Et de ça, Elle ne veut pas se soigner, parce qu'Elle se libère. Elle se pose en tant qu'Elle et lui coupe pour un temps le sifflet à cette Autre. Une sorte de voix qui s'élève pour trouver la voie vers Elle.
Et puis après accéder à la parole : oser dire non, s'autoriser à crier, se permettre des avis, dire qui Elle est et qu'Elle a envie d'exister ...